Relations Suisse-Chine: quand le cœur n’y est plus…
Gérald BÉROUD, Le Temps, 27 juillet 2021

Cet article entrait dans le cadre d’une série estivale initiée par le journaliste Frédéric KOLLER, responsable de la rubrique « Débat/opinion » et ancien correspondant en Chine. Il est reproduit ici avec l’autorisation du journal que nous remercions sincèrement.
Lien direct avec ce texte dans le site du Temps.

OPINION. Créateur de SinOptic et président de la Section romande de la Société Suisse-Chine, Gérald Béroud est le meilleur connaisseur des relations bilatérales avec la Chine. Il déplore le climat de tension qui s’est instauré entre les deux pays.

Quand le cœur n’y est plus, le courage nous abandonne. Les forces nous manquent. Ces dernières années, celles et ceux qui s’interrogent sur la situation de la République populaire de Chine sont légion. Son essor, sa diplomatie, sa toute-puissance, la profonde modification de «l’ambiance» générale sont autant de sujets qui les préoccupent. Pour les personnes revenues en Suisse, souvent après de longues périodes sur place, et les organisations y développant des projets, le temps est à la perplexité, à la remise en cause, voire à la prise de distance. Elles sont nombreuses à affirmer que «le bon temps est révolu».

Plusieurs éléments frappent: entre 2010 et 2020, le nombre de résidents étrangers a diminué de 41% à Pékin et de 24% à Shanghai. La communauté suisse en Chine a passé de 4129 en 2013 à 3118 l’an dernier. Les étrangers, en particulier les Occidentaux, ne sont plus aussi bien perçus qu’il y a encore cinq ou dix ans. Même si les contacts restent amicaux, la méfiance, qui se transforme parfois en hostilité, est devenue perceptible.

Des ONG helvétiques ont dû cesser leurs activités, telle l’antenne de la Croix-Rouge Suisse de Shigatse (ou Xigaze), fermée brusquement en 2014 après vingt-six ans de collaboration. Depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2017 d’une nouvelle loi sur les ONG, d’autres rencontrent des difficultés grandissantes pour s’enregistrer. Le transfert de fonds vers la Chine est devenu impossible pour ces entités.

Le tableau n’est pas aussi idyllique

La Suisse se flatte de bonnes relations avec la RPC. À côté de la reconnaissance précoce de 1950, de nombreuses premières les ont marquées (coentreprise industrielle pionnière, dialogue sur les droits de l’homme, accord de libre-échange, partenariat stratégique, etc.). La liste des jumelages – entre villes, entre canton suisse et province ou région chinoise – est longue. Ces réussites sont répétées à longueur de discours.

Or, le tableau n’est pas aussi idyllique: plusieurs de ces accords sont vides de contenu ou manquent de réalisations concrètes. D’autres sont simplement morts. Quant à ceux qui subsistent vaille que vaille, ils sont parfois sous le feu ardent de la critique: le 10 février dernier, le législatif de Bâle-Ville a rejeté une motion exigeant la résiliation du jumelage avec Shanghai; signé en 2007, il est pourtant l’un des plus actifs. Combien d’échecs, d’abandons et de renoncements pour engranger un seul succès? Que d’énergie déployée pour enfin conclure? Cela est tu.

Parallèlement, les relations diplomatiques se sont progressivement crispées depuis l’arrivée au pouvoir du secrétaire général Xi Jinping. À chaque fois que notre pays se permet de s’associer à un questionnement ou à des prises de position, exprime ses préoccupations, il se fait vertement remettre en place. La pandémie n’arrange rien à l’affaire. La distance forcée ne permet pas de mettre de l’huile dans les rouages, ce que des rencontres en face à face facilitent. Les gazouillis et autres zoomeries ne règlent rien. Loin des yeux, loin du cœur?

La surenchère est manifeste de tous côtés

Critiquées de partout, réduites à faire de la figuration, les associations bilatérales ne sont pas à la fête non plus. On fustige d’un côté leur soi-disant absence de critiques à l’égard du durcissement en cours en RPC et de l’intransigeance du PCC. D’un autre, les officiels chinois n’hésitent pas à faire connaître leur vive réprobation lorsque ces associations s’autorisent à inviter un conférencier ou à aborder un thème qui leur déplaît. Plus grave: l’autocensure se déploie ici même. Lors d’un récent forum, des personnes qui devaient débattre ont fait savoir par avance qu’elles se refusaient à traiter de thèmes sensibles (entendez, parmi d’autres, droits de l’homme, Xinjiang, Hongkong). Trouver en nos contrées une personne d’origine chinoise disposée à émettre publiquement un avis sur son propre pays est une gageure. Quelque chose ne tourne plus rond sous le ciel alors que sur terre les propos sont devenus carrés.

Que s’est-il produit pour que nous nous retrouvions dans un climat aussi tendu que délétère? La surenchère est manifeste de tous côtés. La volonté d’en découdre paraît un commun dénominateur dans une période lourde de défis et de périls. Comment reprendre les échanges, restaurer la confiance, redévelopper des projets, compte tenu de ce qui précède? Saurons-nous revenir à une ligne de conduite faite de respect, de rigueur et sans complaisance? À ce stade, il est ardu de donner des réponses, tellement nous nous sentons soudain vidés, démunis, presque privés de ce qui a été constitutif de notre identité et de notre travail des années durant.

Se développe en outre un paradoxe de la proximité: celles et ceux qui ont été les plus proches de la Chine, de sa culture, de son mode de vie et de pensée, de son quotidien, courent le risque de se voir violemment pris à partie. Sans omettre leur volonté, pour ne pas anéantir souvenirs, amitiés et expériences, ou leur impossibilité, par refus de leur octroyer un visa, de s’y rendre. Il y a là comme l’apprentissage d’un deuil: car après avoir bourlingué en Chine, la Chine continuera, quoi que nous fassions, de voyager en nous…


SinOptic – Services et études du monde chinois
Laura FLEMING, Geneva Business News, 9 juin 2016


Une plateforme internet helvétique œuvre au rapprochement de la Chine et la Suisse
Radio Chine Internationale Online, 21 mai 2013.


The Nixon connection
Mme DIAO Ying, China Daily Europe, 25 janvier 2013
Le journal a  » oublié  » de mentionner le nom de l’auteur de la photographie. Il s’agit de Mme Chloé MICHALAKIS. Ce cliché a été pris à Lausanne le 26 janvier 2009.


5 juin 2008 – SinOptic et son site fêtent leurs dix ans d’existence

Guangming Ribao - 13 juillet 2008
M. LIU Jun, Guangming Ribao, 13 juillet 2008


SinOptic, ou la Chine à portée d’un clic de souris
Caroline RIEDER, 24 heures, 5 juin 2008


SinOptic, le site qui relie la Suisse à la Chine
Frédéric KOLLER, Le Temps, 5 juin 2008

Nous remercions M. Frédéric KOLLER d’avoir autorisé la reproduction de son article.

MEDIA. La plate-forme de référence créée par Gérald Béroud fête ses dix ans.

Au fil des ans, l’air de rien, il s’est imposé comme le Monsieur Chine de la Suisse romande. Gérald Béroud, 50 ans, créait, il y a tout juste dix ans le site internet d’information Sinoptic. Très vite, cette plate-forme de qualité sur les relations entre la Suisse et la Chine a trouvé son public et s’est imposée comme la référence incontournable dans ce domaine. «A l’origine, il n’y avait rien en Suisse pour centraliser l’information sur la Chine que ce soit dans les domaines politique, économique ou autres. L’idée de créer un tel site captivait beaucoup de monde, mais personne n’était prêt à le financer. Plutôt que perdre mon temps en démarches vaines, j’ai décidé de le faire moi-même. Je n’aurais jamais pensé qu’il connaîtrait un tel développement.»

Aujourd’hui, Sinoptic accueille 24 000 visiteurs par mois et plus de 200 000 requêtes. Les utilisateurs sont Suisses, mais également Français, Canadiens ou Belges. Le site satisfait des intérêts très divers. « Il répond aussi bien à la demande des diplomates que des hommes d’affaires, des étudiants de chinois, des politiciens ou des journalistes. »

Sinoptic est d’abord un agrégateur d’informations. L’une de ses forces a été de mettre en valeur les revues de presse fournies par les services diplomatiques suisses de Pékin, Shanghai, Hongkong et, plus récemment, de Canton. Il fournit également de nombreux services pratiques pour les personnes qui veulent se rendre en Chine.

Sociologue de formation, spécialiste des toxicomanies, Gérald Béroud a débuté des études de chinois en 1989. Il ne cesse depuis de sillonner le pays. Sinoptic ne lui rapporte pas un sou. Il refuse la publicité pour « préserver l’atmosphère » du site et ne bénéficie d’aucun soutien financier. C’est par contre une excellente carte de visite. « Tout ce que je sais faire est dans le site. » Ses revenus, Gérald Béroud les assure par ses travaux de traduction, de création de site et l’organisation de visites en Chine pour des hommes d’affaires ou des politiciens.

Lutte permanente

Auréolé d’une excellente réputation cet amoureux de la Chine n’en doit pas moins se battre pour se faire accepter dans les visites officielles de ministres suisses en Chine. « C’est agaçant de devoir à chaque fois réexpliquer ce que je fais. » Parce qu’il travaille avec la Chine, certains croient que c’est la fortune au bout du chemin. « Mon budget est de 150000 francs par an. C’est une lutte permanente. Rien n’est certain. »

La fréquentation du site augmente en fonction de l’actualité. Lors de la crise du Sras, en 2003, par exemple, ou des récents événements du Tibet. Gérald Béroud regrette à ce propos la culture de l’affrontement plutôt que de débat sur cette question en Suisse. Modeste, discret, il aime à citer ce dicton chinois: « L’homme craint la renommée comme le cochon de devenir gras. » Un sage principe qui devrait lui assurer dix nouvelles années de succès.

Rectificatif du 10 juin 2008
Le Temps
Nous avons écrit, à propos de SinOptic, que c’était le site internet qui ne « rapporte pas un sou ». Cependant, l’ensemble des activités de SinOptic représente par ailleurs un chiffre avoisinant les 100’000 francs (les très bonnes années…).


swissinfo - 6 juin 2008
Mme YANG Xudong et M. SHAO Dahai, swissinfo, 9 juin 2008


Pour les entreprises suisses, le marché chinois est encore loin de la saturation
Alexandre SONNAY, AGEFI, 27 mai 2008
agefi

Comprendre la Chine avant de la juger
Laurent NICOLET, Migros-Magazine – 13 mai 2008


European Chinese Tourist Welcoming Award 2005

La brochure L’accueil des hôtes chinois en Suisse, éditée par hotelleriesuisse et Suisse tourisme, à laquelle SinOptic a été associé, a reçu un « European Chinese Tourist Welcoming Award 2005 » en or, décerné par Travel & Trade in Europe et China Outbound Tourism Research Project.


Guangming Ribao – 30 juin 2003

Article en chinois: version pdf (pdf, 2 p., 200 kb)

A aussi été publié sur le site de Xinhua le même jour: version internet et version pdf (pdf, 1 p., 205 kb)


Le Temps – 26 mars 1999

Cet article est reproduit avec l’aimable autorisation du journal Le Temps que nous remercions très sincèrement.

CYBER. La Suisse romande possède un site sur la Chine, un outil précieux pour les internautes
Jiang Zemin sur Internet

Frédéric KOLLER

Comment le chef du gouvernement chinois, Jiang Zemin, appelle-t-il la présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss? Réponse: Mme Delaifusi! C’est du moins la transcription phonétique qu’en donne le Ministère des affaires étrangères à Pékin. Pour les internautes qui se passionnent pour la visite du président chinois, un nouveau site est tout désigné: https://www.sinoptic.ch/

Programme des visites, documentation sur les échanges économiques, liens avec les sites officiels, revue de presse, Sinoptic tente une expérience intéressante de suivi – presque – en direct de la visite d’un chef d’Etat. Il renseigne sur tout ce qui se fait en Suisse ayant un lien avec la Chine, des difficultés des entreprises à investir dans l’Empire du milieu aux dernières nouveautés littéraires, avec un outil indispensable: le calendrier des manifestations et conférences.

Partant du constat qu’il existe une extrême dispersion de l’information sur la Chine en Suisse, le sociologue et sinologue Gérald Béroud a créé ce site Internet à Lausanne en juin 1998. «J’y mets tout ce que je trouve», explique l’unique concepteur de Sinoptic. Au fil des mois, son projet s’est étoffé avec de nombreuses prestations (dictionnaires chinois, transcriptions des noms) et la thématisation de ses approches, comme par exemple avec les inondations du siècle de l’été dernier en Chine.

Malgré l’énorme investissement que cela représente, l’accès au site est gratuit. «Je peux difficilement faire payer ce que l’on trouve ailleurs et c’est une belle carte de visite», précise Gérald Béroud. Il n’empêche que la valeur ajoutée est importante, notamment pour les pages consacrées à la langue chinoise ou à la toxicomanie. Un seul regret: l’apport en information de personnes extérieures reste très faible.