Le 4 mai 1919

Le 1er octobre 1999, la Chine a célébré le cinquantième anniversaire de la création de la République populaire. On fêta avec moins de faste un événement qui passa presque inaperçu: le mouvement du 4 mai 1919.

Ce jour-là, ulcérés par le Traité de Versailles qui attribuait au Japon les possessions que l’Allemagne détenait en Chine, les étudiants de l’Université de Pékin descendaient dans la rue. Pour avoir une idée de l’ampleur de l’événement et du mouvement qui s’en suivit, voici ce que Francis Deron écrivait récemment dans Le Monde (1919, 1949, 1989: comment le régime manipule les symboles. 24.1.99):
« (…) Au-delà du patriotisme, le mouvement cristallise une authentique révolution culturelle. Contre la tradition confucéenne, synonyme d’anémie, il exalte la science et la démocratie, présentées comme la condition du renouveau national. Cette flambée iconoclaste aura un double prolongement – marxiste et libéral – qui rend aujourd’hui sa commémoration pour le moins délicate. En prenant parti de célébrer le souvenir de cette irruption de la modernité en Chine, le régime se condamne à en tronçonner le message: oui au patriotisme et au scientisme, non à la démocratie.
Cette récupération de l’événement à son profit est d’autant plus stratégique que le mouvement de mai-juin 1989 était aussi riche de résonances du 4 mai 1919: soif d’apprendre de l’Occident et, surtout, explosion de juvénisme. Il faudra donc éviter le péril déraillement de la mémoire. Il faudra démontrer que le 4 mai 1919 (renouveau) appartient au 1er octobre (communisme) et non au printemps de 1989 (démocratie). Cette course à la propriété intellectuelle autour de ce triple anniversaire a de quoi donner le tournis, mais elle est capitale dans l’exercice de manipulation des symboles par lequel le régime cherche à ressourcer sa légitimité. »

D’utiles éclairages sur le mouvement du 4 mai et ses suites, sur les personnalités qui l’alimentèrent (Hu Shi et la langue parlée (baihua), Chen Duxiu, Cai Yuanpei, Lu Xun, etc.) sont fournis par l’ouvrage de Lucien Bianco, Les origines de la révolution chinoise 1915-1949, Paris, Gallimard, Folio, 1967). De quoi comprendre pourquoi certains historiens et analystes font partir l’ère contemporaine chinoise de 1919, et pas de 1911.

Autres lectures conseillées:

  • Chow Tse-tsung
    The May Fourth Mouvement. Intellectual Revolution in Modern China
    Cambridge, Harvard University Press, 1964, 486p.
  • Vera Schwarcz
    The Chinese Enlightment. Intellectuals and the Legacy of the May Fourth Movement of 1919
    Berkeley, University of California Press, 1986, 393 p., glossaire.
  • Lin Yusheng
    The Crisis of Chinese Consciousness. Radical Antitraditionalism in the May Fourth Era
    Madison, The University of Wisconsin Press, 1979, 201p.

Voir également notre page sur les événements du Printemps 1989.