Tutti frutti
La Grande Muraille de Chine :
« Unique construction humaine visible de la lune… »?

Une assertion qui a la vie dure

Parmi les affirmations et les légendes qui entourent la Chine, il en est une qui revient fréquemment : la Grande Muraille est l' » unique construction humaine visible de la lune  » (présentation de l’émission  » La Chine  » diffusée par France 5 en décembre 2001). Il suffit de parcourir la Toile pour trouver d’autres exemples de cette assertion (Aux sept merveilles, La grande muraille de Chine, Pékin et ses alentours, etc.). Certaines pages précisent que la Muraille est  » théoriquement  » (Ambassade de Chine en France – Le long de la Grande Muraille) ou  » visible à l’œil nu « , d’autres que celle que l’on compte parmi les sept merveilles du monde partagerait ce privilège avec une autre construction humaine (mais laquelle, mystère ! Beijing 2008 – page web intitulée  » Nouveau Beijing « ).

Il est plus surprenant de retrouver une telle affirmation dans le livre d’Amélie NOTHOMB, Le sabotage amoureux – par ailleurs un texte savoureux et fort pertinent dans ses observations sur la Chine. En page 6 (Paris, Albin Michel, 1993), elle écrit : « Je ne me sentais de parenté qu’avec la Grande Muraille : seule construction humaine à être visible de la Lune, elle au moins respectait mon échelle. »

Le simple bon sens devrait assez vite nous indiquer que cette légende ne tient pas la route. Comment une construction dont la largeur moyenne est de 5 à 6,5 mètres pourrait-elle être vue à 384’467 kilomètres ?

Faisons un bref calcul : distance
terre-lune
largeur de la
Grande Muraille
384’467km 10 m (pour simplifier)
en divisant par 10 38’446 km 1m peut-on voir un objet d’un mètre à 38’000 km?
en divisant encore par 100 384 km 1cm peut-on voir un objet d’un centimètre à 384 km?
en divisant encore par 10 38 km 1 mm peut-on voir un objet d’un millimètre à 38 km?

Et la longueur ne change rien à l’affaire…

Sur le plan de l’observation, le site About Geography nous renseigne pleinement, et définitivement, en consacrant une page complète à cette épineuse question dont nous reprenons ici quelques éléments :

En parcourant une orbite basse, de nombreux objets artificiels sont visibles sur la terre: autoroutes, bateaux, voies de chemins de fer, champs et récoltes et quelques immeubles. La Grande Muraille pourra être aperçue, mais elle n’est pas la seule.

La Nasa précise d’ailleurs:  » La Grande Muraille peut être juste vue de la navette, mais il sera ainsi impossible de l’apercevoir à l’œil nu depuis la lune  » (Ask us. Earth and Moon). Ainsi, de notre satellite naturel, les continents terrestres se distingueront à peine…

Voici ce que l’astronaute Alan BEAN déclare:
« La seule chose que vous pouvez voir depuis la lune, c’est une magnifique sphère, blanche la plupart du temps (des nuages), un peu de bleu (des océans), quelques taches jaunes (des déserts), et de temps à autre du vert provenant de la végétation. A cette échelle, aucun objet créé par les êtres humains n’est visible. En réalité, dès que l’on quitte l’orbite terrestre et à une distance de quelques milliers de milles, aucun objet humain n’est visible. » (cité dans Malcolm YAPP, More Misinformation,Greenhaven Press, Inc.,1980; repris dans la page web Mr. Dowling’s Electronic Passport, Chinese History – The Great Wall).

Quant à l’origine de cette fameuse histoire, certains avancent (par exemple voir l’explication donnée dans The Straight Dope’s) qu’il s’agirait de propos tenus par une grosse huile après un repas dans les premiers temps du programme spatial des États-Unis.

Comme quoi, nul besoin de se rendre dans la stratosphère pour ressentir l’ivresse de l’espace…

La Grande Muraille est suffisamment imposante pour se passer d’une contre-vérité aussi flagrante.

Pour en savoir plus sur la Grande muraille,
voir la page ad hoc de Terroirs d’en France.